Séduction
et jeu ont en commun d’être des activités que l’on choisit librement dans
l’intention de prendre du plaisir. Elles sont légères, contrairement à la
pesanteur de nos obligations déplaisantes.
Pourtant,
en se prenant trop au jeu, on court un risque. Car de même qu’incapable de s’en
détacher, on peut consacrer de plus en plus de son temps à un jeu vidéo et
tomber dans la dépendance, de même peut-on tomber réellement amoureux d’une
personne et s’attacher à elle sans avoir prévu que les échanges taquins nous
conduiraient à des sentiments sincères.
La
séduction serait-elle alors un jeu dangereux ? Peut-être pas plus que
n’importe quel autre jeu à partir du moment où l’on joue gros. Jeu et séduction
ont donc aussi en commun de pouvoir mal finir. Jouer à celui qui sautera du
plus haut depuis la falaise dans la mer, tenter de séduire une personne qui va
nous transformer en jouet et voilà le drame qui met fin au jeu.
Alors oui, la séduction serait un jeu, pour le meilleur et pour le pire.
Mais
pour jouer, ne faut-il pas être au moins deux ? Or, si on se réfère au
sens qu’a longtemps eu le verbe séduire, détourner du droit chemin en trompant,
en manipulant, la séduction est un jeu pour le séducteur, pas pour la personne
séduite dans l’ignorance que l’autre fait semblant. C’est en ce sens que
don Juan1 est un séducteur ou Manon Lescaut2 une
séductrice. La séduction est un jeu mixte mais à sens unique, comme lorsque le
chasseur attire avec un appeau3 sa proie : il risque juste de
rentrer bredouille tandis qu’elle risque sa vie.
Séducteur
et séductrice ne le sont pourtant que s’ils plaisent, donc s’ils sont
séduisants. C’est pourquoi dans notre langage moderne, la séduction s’est
largement dépouillée de son sens initialement péjoratif, inquiétant. Ce n’est
pas un mal à condition que tous les joueurs jouent avec ces nouvelles règles.
Sinon, on ne parle pas de séducteur mais de prédateur. On ne peut jouer
qu’entre personnes consentantes, c’est-à-dire entre personnes qui sont à
égalité dans les forces et dans la connaissance des conséquences du jeu.
Mais si
tous jouent le jeu, alors la séduction en est aussi un, avec sa panoplie, ses
accessoires pour se faire belle ou beau et la perspective joyeuse que tout ne
sera que plaisir, comme lorsqu’enfant nous partions jouer en récré.
Jouée
avec fair play, la séduction est un jeu où tout le monde gagne.
1. Voir par exemple la pièce de Molière, Dom Juan, 1665.
2. Manon Lescaut, l’abbé Prévost,
1731.
3. Petit instrument avec lequel on imite le cri des animaux pour les
attirer.
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