N’est-il pas contradictoire d’admettre le déterminisme tout en développant une philosophie de la liberté ? Pourtant Spinoza (1632-1677) affirme que l’humanité a l’illusion d’être libre, ignorant que les actes qu’elle « décide » sont en réalité dictés, sans qu’elle s’en rende compte, par la nécessité. Car aucun humain n’échappe aux lois naturelles physiques faisant de lui un être mortel animé d’un seul désir, « persévérer dans son être » (rester en vie).
Mais la nature, bien qu’elle impose certaines contraintes, n’impose pas tout. Si les hommes apprennent à se connaître et connaître le monde, alors ils accèderont à une certaine liberté. La liberté est donc le résultat d’une libération grâce à la raison.
Capacité naturelle à distinguer le vrai du faux pour prendre des décisions bénéfiques pour soi et les autres, la raison conduit d’abord à se libérer de ce qui emprisonne moralement les humains : la crainte de l’avenir et l’espoir qu’il leur soit favorable, à l’origine de croyances irrationnelles regroupées sous le nom de superstition et débouchant sur des comportements fanatiques ; ainsi les Croisés s’imaginaient-ils qu’en massacrant beaucoup d’infidèles, ils connaîtraient la béatitude au paradis. Être libre, c’est donc d’abord s’être libéré de ses peurs irraisonnées.
Cette libération suppose
de lutter contre la superstition et le fanatisme par l’instruction et la
science mais elle se heurte aux régimes politiques traditionnels, les
théocraties, tyrannies religieuses dans lesquelles l’État exerce le pouvoir en
maintenant les peuples dans les croyances les plus insensées afin de les manipuler.
Spinoza propose alors d’instaurer un nouveau régime politique, la démocratie.
La démocratie
n’est pas le meilleur régime (aucun ne l’est), elle est le moins mauvais car
elle s’engage à respecter l’aptitude naturelle de chacun à penser par lui-même qui
lui confère des droits dits naturels. C’est en ce sens que les hommes,
affirmera plus tard la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
inspirée, entre autres, par les idées de Spinoza, naissent libres et égaux en
droits. Nul n’est habilité à les leur retirer. Sans compter qu’il n’y a pas
moyen d’empêcher quelqu’un de penser.
La liberté prend
alors une dimension politique. Elle est un droit que l’État doit accorder et
garantir à chaque citoyen. Elle est « la fin de l’État » écrit Spinoza,
c’est-à-dire son but. Mais pour l’atteindre, l’État doit lui-même être libéré
de toute influence. Il devient alors impossible que l’État et la religion (on
dit aussi « l’Église ») restent associés.
C’est la naissance
de la laïcité : les responsables religieux ne s’occuperont que de la foi
qui relève de la vie privée ; les autorités politiques ne s’occuperont que des
affaires publiques, « pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il
vive autant que possible en sécurité ». L’Église et l’État sont donc séparés.
Chacun est libre de décider s’il croit ou non en dieu (liberté de conscience),
libre de choisir une religion et de la pratiquer (liberté de culte). L’instruction et le savoir vont se diffuser
grâce à la liberté d’expression.
Être libre
politiquement, c’est donc être libéré de la tyrannie. Or, cela n’est possible
que si chacun n’adhère qu’à des principes communs rationnels et accepte que
pour le reste, les autres pensent et disent ce qu’ils veulent du moment que leurs
actes et leurs paroles ne nuisent à personne (liberté d’opinion).
Les citations sont extraites du Traité
théologico-politique (1670).
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