1899.
Bertrand Russell, jeune professeur de mathématiques de 27 ans au Trinity College de Cambridge donne une série de cours consacrés à Leibniz. Ses premiers écrits universitaires portent aussi sur les travaux de ce brillant mathématicien allemand du XVIIème siècle dont Russell va poursuivre le rêve durant une vingtaine d’années en cherchant lui aussi un langage logique qui permettrait de tout démontrer. Ah, si tout devenait aussi logique qu’un raisonnement mathématique !
1928.
Dans l’introduction de ses Essais sceptiques, Russell raconte cette anecdote :
« Leibniz,
dans sa vieillesse, écrivit à un de ses correspondants qu’une seule fois dans
sa vie il a demandé à une femme de l’épouser, et alors il était âgé de
cinquante ans. ʺ Heureusement, ajouta-t-il, la dame demanda du temps pour
réfléchir. Cela me donna également du temps pour réfléchir moi-même, et je
retirai ma demande. ʺ Il n’y a pas de doute que sa conduite n’ait été
rationnelle, mais je ne dirai pas que je l’admire. »
Est-ce parce que le rêve de rationalité pure qu’il avait poursuivi avait failli conduire notre philosophe britannique, de son aveu même, à la folie et au suicide qu’il prit ses distances avec elle ? Car Russell qui considère toujours la raison comme le meilleur guide que l’homme puisse trouver dans l’action comme dans la connaissance n’en affirme pas moins dans la même page que « certains côtés de la vie, et des plus importants, sont ruinés par l’invasion de la raison. » À moins que ce ne soit parce qu’il fut lui-même un grand amoureux…
N’empêche qu’il y a, sous cet apparent
paradoxe, du bon sens. Car si la raison est juste mesure, la laisser s’immiscer
dans les moindres replis de notre existence serait excessif. Ainsi, être
amoureux ou être poète ( qui bien souvent sont, l’espace d’un éblouissement,
les mêmes ), ce n’est pas déraisonner, c’est vivre une expérience humaine sur
un chemin parallèle à celui de la raison.
C’est alors pour l’image que les amoureux se déclareront fous l’un de l’autre. Car la folie est une maladie qui ne doit pas faire rêver au contraire de la folie douce, cet écart comme un pas de danse, insoumission des êtres réellement raisonnables.
Pour ceux qui ont envie de faire plus
ample connaissance avec Russell mais aussi pour découvrir l’histoire des
mathématiques même ( et surtout ) si on mauvais en maths, un roman graphique : Logicomix,
Apostolos
Doxiadis, Christos Papadimitriou, Alecos Papadatos, Annie Di Donna, Vuibert,
2018.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire