Pour
les admirateurs de Frédéric Nietzsche, ce prénom résonne cruellement.
Elisabeth, sœur cadette du philosophe, est une intrigante possessive. Elle se
réjouit de la rupture entre son frère et Lou Salomé, la seule femme qu’il ait
aimée et désiré épouser. Nietzsche rompt tout lien avec elle quand elle fait de
lui le beau-frère d’un anti-sémite qui l’emmène en Amérique latine fonder une
communauté aryenne.
Mais
il sombre dans la démence et ne peut plus échapper à cette veuve aigrie revenue
en Allemagne. Elle le soigne dix ans durant, organise en 1900, contre ses
dernières volontés, des funérailles religieuses avant de falsifier ses
manuscrits pour en faire la caution intellectuelle du nazisme. De quoi dégoûter
la philosophie de ce prénom sali par un amour trop dévorant pour un frère et
une haine aveugle pour son intelligence.
Comme
elle est éloignée, cette mégère bornée, de la si jolie et si cultivée Elisabeth
de Bohême ! René Descartes, de dix neuf ans son aîné, est flatté de
l’admiration qu’il suscite chez cette princesse célèbre pour sa beauté et son
intelligence. Ils entament une relation épistolaire, deviennent amis, se
rencontrent. Elisabeth l’interroge sur sa doctrine puis devient sa confidente
et sa muse. Lui joue le rôle de médecin pour son âme toujours mélancolique.
Grâce à leur abondante correspondance, nous connaissons en détail l’évolution
de la pensée de Descartes dans la deuxième partie de sa vie ainsi que ses
relations avec les autres savants.
Mais
des affaires politiques écartent la famille d’Elisabeth des cercles du pouvoir
et le philosophe, qui avait commencé à écrire Les passions de l’âme, inspiré et
soutenu par elle, finit par confier le manuscrit à sa cousine, la reine
Christine capable de lui offrir des avantages à la mesure de ses ambitions.
Mal
lui en prend. C’est chez cette rivale d’Elisabeth, en Suède où il est parti
s’installer à la demande de la monarque, qu’il contracte une pneumonie et en
meurt en 1650. Modeste, Elisabeth refuse que ses propres lettres soient
associées à la publication de celles de Descartes. Pourtant, les questions
qu’elle y soulève, ses objections et ses conceptions personnelles la placent
sur un pied d’égalité avec le père de la philosophie moderne.
Et
derrière Bertrand Russell, une Elisabeth aussi, la femme de son confrère
Withehead avec lequel il travaille à un traité de mathématiques. Passionné par
celles-ci, c’est à travers elles que Russell envisage principalement le monde
jusqu’à ce qu’une grave crise de désespoir de sa bien-aimée lui fasse prendre
conscience que la réalité ne peut pas se réduire à des calculs logiques. Il décide
alors de ne plus chercher seulement la vérité dans les raisonnements formels.
La
souffrance d’Elisabeth est un révélateur qui lui ouvre les portes d’une
réflexion humaniste lui valant, en 1950, le Prix Nobel de littérature.
Amour
ou son revers, la haine ; amitié privilégiée ; amour impossible... La
philosophie est, étymologiquement, amour. En témoigne la présence d’une
Elisabeth dans l’existence de ces philosophes.
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