Philosophe, était-ce le métier de Socrate ? Un métier est une activité que l’on pratique afin de gagner sa vie. Or, contrairement aux sophistes, ces professeurs de rhétorique que Socrate dénonçait, celui-ci refusait de faire payer ses leçons. Il n’a jamais écrit de livres non plus. Alors le père de la philosophie n’aurait-il pas été un philosophe professionnel sous prétexte que la philosophie ne lui rapportait aucun salaire ? Qui, pourtant, possédait plus que lui savoir et expérience dans ce domaine ? En même temps que la philosophie naît donc cette question : est-elle un métier ?
La cohorte des philosophes enseignants et écrivains tend à assimiler ces trois activités. Platon, Aristote, Épicure et Épictète, l’esclave affranchi, ont ouvert cette voie à Saint Thomas d’Aquin puis à nombre de contemporains : Kant, Hegel, Husserl, Heidegger et Popper chez les Allemands ; Bergson, Alain, Bachelard, Merleau-Ponty en France ; Arendt aux États-Unis... Même des professeurs de mathématiques comme Cournot ou Russell deviennent philosophes.
Pourtant, tous les philosophes ne sont pas enseignants. Certains auraient aimé l’être mais leurs idées d’avant-garde les en ont empêchés : Descartes qui touche une petite rente familiale ; Hume devenu diplomate, comme Machiavel ; Comte, exclu de Polytechnique et vivant de “petits boulots. ” Quant à Schopenhauer, il serait resté professeur si ses cours avaient attiré des étudiants.
En réalité, maints chemins professionnels mènent à la philosophie, de la médecine ( Sextus Empiricus, Averroès, Freud ) à la politique (Marc-Aurèle Empereur des Romains ) en passant par le monde des affaires ( Mill travaillant à la compagnie des Indes ) et même de l’optique puisque Spinoza polissait des verres de lunettes.
Ainsi, personne n’est à l’abri de devenir un philosophe. Que ce soit par absence de profession comme Marx qui, bénéficiant du mécénat de son ami Engels, peut entièrement se consacrer à l’écriture de ses livres ou au contraire par excès. Car peut-être est-ce son hyperactivité qui a poussé Sénèque poète, auteur de pièces de théâtre, précepteur de Néron, homme politique et banquier, au stoïcisme .
Cette doctrine enseigne que la meilleure existence est celle où l’on n’a pas de métier à exercer afin de profiter de la schola, en latin, le loisir consacré à l’étude. Que ce soit contre rétribution ou non, à plein temps ou à temps partiel, le métier de philosophe, étymologiquement celui qui cherche la sagesse, consiste toujours à apprendre pour vivre mieux. Est-ce que ça ne devrait pas être, tout simplement, le métier d’homme ?
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