Au livre VII de la République, Socrate raconte
une histoire. Imaginons des hommes enchaînés dans une caverne. Sur une hauteur
derrière eux, un mur éclairé par un feu. Mais les prisonniers ne peuvent
regarder que la paroi devant eux ; s’y projettent les ombres d’objets défilant
sur le mur. Ces prisonniers ne voyant que ces ombres croient qu’elles sont les
seules choses existant et que la caverne est le monde réel. Forçons maintenant
un prisonnier à sortir – car l’idée de s’échapper ne peut lui venir, il ignore
la présence d’un monde au dessus de son souterrain – il découvrirait, au prix
de souffrances physiques et morales pour atteindre la surface puis l’observer,
que ce monde supérieur qu’il ne soupçonnait pas est le monde réel, éclairé par
le soleil. Alors il connaîtrait le bonheur de celui qui sait.
Ces “ étranges prisonniers ” de la caverne,
symbole du monde matériel, concret, perceptible par nos sens ( on l’appelle
monde sensible ) vivent donc dans l’erreur ; leur expérience sensible les
trompe comme elle trompe l’opinion en général. S’ils cherchaient la vérité, il
leur faudrait la chercher ailleurs, dans le monde supérieur accessible
seulement par l’esprit, le monde intelligible inconnu de la foule.
Mais qui sont ces prisonniers ? “ Ils nous
ressemblent ” répond Socrate à son auditoire interloqué. Avec cette
allégorie, il pose les bases de l’idéalisme : le monde matériel, physique,
n’est qu’un monde d’apparences trompeuses, un monde accidentel masquant
l’essentiel réservé à l’esprit. La Vérité est la récompense de cette quête
entreprise par le philosophe.
L’idéalisme domine notre culture occidentale. On le
retrouve sous sa forme philosophique la plus élaborée chez Hegel, à travers la
notion de “ chose en soi ”, autrement dit un absolu qui serait sans dépendre de
rien, comme Dieu ; c’est pourquoi l’idéalisme a aussi sa forme spirituelle, le
Christianisme. Mais aussi une forme populaire dans des proverbes tels que “
l’habit ne fait pas le moine ”, et même cinématographique ( Matrix ).
Au XIX° siècle, le philosophe allemand Nietzsche s’attaque
à l’idéalisme en philosophant “ à coups de marteau. ” Dans le Crépuscule
des idoles, il dénonce la méfiance absurde vis-à-vis des sens et du corps
et la valorisation excessive de la raison. Plus généralement, Nietzsche affirme
que rien n’existe “ en soi ” ; toute idée, écrit-il dans Le Gai savoir,
est une question de point de vue, de perspective, d’interprétation. La
connaissance est relative à celui qui connaît.
Ainsi la Vérité n’existe pas sous la forme que
prétendent les idéalistes. Elle n’est pas un mystère à percer suspendu, de
toute éternité, hors de notre vue. Le sage lui sacrifiant sa vie n’est donc
qu’un fou à la poursuite d’une chimère. La vérité n’est pas ailleurs. Elle est
une valeur illusoire, une idole forgée par des hommes incapables de vivre dans
le monde tel qu’il est originellement, cruel, amoral, tragique et beau.
Pour en savoir plus :
L’explication détaillée du texte : http://www.philolog.fr/explication-de-lallegorie-de-la-caverne/
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