Arthur Schopenhauer, philosophe allemand né en 1788,
s’est fait une spécialité du pessimisme. Il déplore à ce point l’existence
qu’il considère comme des traitres tous ceux qui ont des enfants, innocents
héritiers d’abominables souffrances.
Une question semble alors inévitable : a-t-il eu une
existence à ce point douloureuse pour détester toute vie ?
Il est vrai qu’il déteste aussi les femmes. Tant de
misogynie cache un amour déçu, celui pour sa mère. Car lorsque son père, époux
âgé imposé par sa famille à une jeune fille vive et cultivée, se suicide,
l’adolescent Arthur est partagé entre son affection admirative pour cette femme
qu’il comprend mal et qui lui échappe et ses soupçons – n’est-ce pas la
frivolité de sa mère qui a détruit le pauvre homme ?
Il a pourtant la chance d’être un étudiant brillant et
un musicien doué. Jeune docteur en philosophie, il s’apprête à une carrière
universitaire pour fuir le commerce auquel le destinait sa famille. Mais il
faudrait, pour réussir, accepter une coutume bien établie : la soumission aux
maîtres en place. Or, Schopenhauer se pose en ennemi du plus célèbre professeur
d’Europe, Hegel, et sa classe reste vide.
Son livre ne se vend pas. Son insatiable appétit
sexuel en fait la proie de filles faciles intéressées par son argent. Sa
solitude lui laisse le temps de ruminer ses malheurs et d’en nourrir son grand
ouvrage, Le Monde comme volonté et comme représentation, auquel il
rajoute suppléments sur suppléments dont le plus fameux s’intitule Métaphysique
de l’amour.
En France, des écrivains finissent par découvrir et
admirer son œuvre. Guy de Maupassant s’en réclame ouvertement et imagine les
personnages du roman Bel Ami pour populariser les thèmes favoris
du philosophe : les désirs sans cesse renaissants dont on est l’esclave,
l’inconstance féminine, la maladie qui ronge et, au bout du chemin, la
putréfaction du corps qui empuantit les vivants préférant l’oublier dans le
tourbillon d’une vie absurde.
L’influence de Hegel, mort entre temps, reste
considérable mais de nombreux artistes et intellectuels sont à la recherche
d’idées moins abstraites mais plus torturées que celles de ce grand
rationaliste. Ainsi Schopenhauer connaît tardivement mais sûrement la
notoriété. On vient l’interroger sur sa pensée, on se réclame d’elle.
Alors quitter le monde à 72 ans quand on n’y est pas
trop malheureux, le comble pour un philosophe pessimiste ?
Des textes et des images sur Schopenhauer ?
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