En
apparence, tout oppose Hobbes ( 1588-1679 ) et Spinoza ( 1632-1677 ). Le
premier n’envisage de salut pour les hommes que s’ils se soumettent à un régime
autoritaire. Le second est un grand théoricien de la démocratie moderne.
Pourtant, alors que ces philosophes proposent deux types de régimes politiques
diamétralement opposés, ils procèdent des mêmes principes.
Tout
d’abord, ils assignent à l’État un but identique : satisfaire l’intérêt de la
communauté toute entière. D’autre part, ils refusent que le pouvoir tire son
origine de la force. Ils appellent donc de leurs vœux un État de droit qui
prendrait la place des États de fait que sont les tyrannies quasiment présentes
dans toute l’Europe à leur époque.
Machiavel
( 1469-1527 ) est alors leur ennemi commun. En effet, ce politicien italien
encourage celui qui gouverne, le Prince, à employer tous les moyens, qu’ils
soient ou non moraux, pour se maintenir au pouvoir et dominer la société à son
seul profit. Le machiavélisme représente tout ce que Hobbes et Spinoza
détestent : les complots, les séditions* et autres désordres
sanglants. C’est au contraire un modèle de paix qu’ils veulent établir.
Pourquoi
ne pas aller le chercher chez les Anciens déjà soucieux d’une Cité
paisible et bien administrée ?
Car
ni Platon, préconisant un régime aristocratique où les meilleurs, c’est-à-dire
les plus instruits et les moins égoïstes gouverneraient ( les philosophes-rois
) ni Aristote, ardent défenseur d’une démocratie d’origine naturelle, ne
donnent de fondements solides à cette Cité.
Ainsi,
un troisième point unit Hobbes et Spinoza, l’idée du pacte ou contrat. L’État
naît d’un accord commun entre les hommes de renoncer à leur liberté naturelle.
Ils acceptent unanimement de ne plus assouvir tous leurs désirs afin de ne plus
être à la merci du plus fort. L’état social se substitue alors à l’état de
nature, les lois civiles à la loi naturelle.
Mais
sur la nature du contrat et ses conséquences, Hobbes et Spinoza divergent
profondément.
En
effet, chez Hobbes, le contrat est un pacte de soumission de la société à
l’État. Les individus renoncent à tous leurs droits en échange de la sécurité
et de la paix civile favorables à la prospérité économique et au bien-être.
Hobbes préconise donc un régime politique autoritaire. En imposant une religion
commune et en confiant tous les pouvoirs à un seul, on évitera la guerre
civile. Une justice implacable contraindra les citoyens à respecter l’autorité
de l’État. Les caractéristiques de cette politique sont concentrées dans le
terme de Léviathan
choisi par Hobbes pour désigner cet État et intituler son principal ouvrage.
Spinoza,
au contraire, affirme dans le Traité théologico-politique que « La fin
dernière de l’État n’est pas la domination (... ) La fin de l’État est en
réalité la liberté. » En luttant contre l’ignorance et la superstition, en
favorisant le savoir nécessaire pour se conduire selon la raison et non pas
selon les passions, les hommes comprendront que l’entente est plus avantageuse
que le conflit. Peu de lois sont alors nécessaires pour garantir la sécurité et
aucune ne devra entraver la liberté de conscience, de culte ou d’expression
tant qu’elles ne mettent pas en danger la communauté.
La
philosophie politique se présente alors comme un pari sur ce qu’est l’homme.
Redouter exagérément ses défauts ( égoïsme, agressivité ) conduit à s’en
prémunir par des lois liberticides. Au contraire, miser sur son caractère
raisonnable incline à garantir les libertés individuelles.
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